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Le développement de l'âme

Alfred Percy Sinnett
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CHAPITRE XVII :
L'INDIVIDUALITÉ (2/2)

Il faut établir ici une distinction importante entre l'entité réincarnante et l'Ego impérissable Le simple développement partiel du principe manasique, qui est inséparable de l'individualité à son premier stade, n'implique pas l'acquisition de cet attribut, inhérent à l'humanité parfaitement développée, que l'on appelle souvent l'Etincelle divine. Cette étincelle résulte de l'union du principe Atma-Bouddhique, qui est, en quelque sorte, latent en toute forme de vie (et par conséquent dans la nouvelle entité réincarnante) avec l'océan d'Atma-Bouddhi qui plane, pour ainsi dire, sur la création entière. Cette union est provoquée par le développement de Manas, et, lorsqu'elle est accomplie, l'entité – qu'il faut dorénavant considérer comme un Ego impérissable – est définitivement représentée sur les niveaux aroupiques du Dévakhan par un véhicule de conscience approprié à cette condition – le Corps Causal, comme le nomment généralement les théosophes européens. Désormais ce véhicule de conscience permanent, qui demeure immuable à travers toutes ses incarnations successives, devient l'individualité de l'entité en question. Chaque fois qu'il redescend sur le plan matériel il s'enveloppe à nouveau dans un vêtement approprié, sans pour cela perdre aucune des qualités précédemment acquises.

      Au début, l'Ego ainsi développé procède très lentement dans l'acquisition de qualités nouvelles. S'il est divin dans sa nature, il ne l'est pas par son développement.

      En négligeant de faire cette distinction, on a quelquefois introduit une grande confusion dans certains points de la donnée occulte II existe une grande différence entre le savoir et la capacité d'apprendre. Sans l'Ego impérissable, l'être (bien que différencié et non plus simplement l'une des nombreuses expressions d'une même âme collective) serait incapable de tout contact avec la conscience manasique supérieure. Ce contact une fois établi, lorsque le Corps Causal est né, la capacité d'apprendre s'éveille. La nouvelle entité se trouve maintenant reliée à l'océan d'Atma-Bouddhi, par une espèce de fil ténu, mais indestructible ; ce n'est cependant pas à cet océan qu'elle puise directement sa connaissance Elle la recueillera pendant bien longtemps encore, à dater du point que nous considérons, par les expériences et dans les enveloppes des plans inférieurs.

      Beaucoup de ces incarnations ne produiront peut-être qu'un résultat très minime. Le courant normal de l'évolution est lent ; le plan qui servit à établir les manvantaras nous le prouve. Mais il n'en est pas moins vrai qu'arrivé à un certain stade, une évolution extrêmement rapide succède à cette lente croissance Le point tournant qui sépare ces deux natures de progrès peut être regardé comme un stade évolutif, aussi défini en lui-même que l'union primitive avec Atma-Bouddhi, c'est-à-dire la première différenciation de l'âme collective du règne animal.

      Ce point tournant, c'est l'instant où l'Ego, incarné dans l'une de ses enveloppes, comprend enfin mentalement sa propre nature et emploie la force de sa volonté à réaliser ses potentialités divines, c'est-à-dire à remplir le but pour lequel il fut créé. Cette résolution s'appelle généralement, en langage théosophique, entrer dans le Sentier. Dorénavant, l'avancement s'accomplira par bonds, contrastant ainsi avec sa lente impulsion première ; tout au plus, dans certains cas, se trouvera-t-il retardé par l'insuffisance de quelques qualités spéciales, si l'Ego ne les a pas toutes également développées.

      Tant que notre pensée restera confinée aux limitations de l'incarnation physique, nous ne pourrons suivre ce progrès jusqu'au développement final qu'il est susceptible d'amener ; mais nous pourrons cependant nous convaincre que, quelle que soit l'expansion de conscience que réalise l'individualité indestructible, au cours de son ascension dans les diverses régions de la Nature, cette individualité demeurera impérissable. Elle ne se perdra jamais, malgré sa mystérieuse union spirituelle avec d'autres aspects de la conscience universelle. Cette union s'opère sur certains plans mêmes de la vie spirituelle, accessibles à quelques individualités avancées qui animent encore des corps physiques.

      Rien ne contribue davantage à dérouter les esprits inexpérimentés que le langage emphatique employé pour décrire l'âme, s'immergeant finalement dans la Conscience divine –sa réunion à Dieu ou son absorption en Parabrahm – quels qu'en soient les termes. Cela peut impliquer, pour une intelligence limitée, l'extinction individuelle, et ceux qui désirent ardemment, non l'absence vague de souffrance, mais la vie, une vie toujours plus intense, considèrent cette union si vantée comme équivalant à l'annihilation personnelle.

      C'est alors une illusion aussi déplorable que dénuée de fondement. L'union véritable n'est pas le sacrifice, mais, au contraire, l'épanouissement de la conscience individuelle, et, lorsque ceux qui sont encore peu avancés sur le grand sentier commencent à sentir la réalité de cette union, le sentiment de la conscience individuelle demeure en eux aussi fort et aussi profond, lors même que l'imagination s'élève à des altitudes qu'elle ne peut encore concevoir qu'obscurément.

      Pour élucider cette pensée, reprenons sous sa plus simple expression la question du développement de l'âme, et contemplons encore une fois notre système dans son ensemble et sous son aspect plutôt spirituel que scientifique.

      Négligeons un instant l'organisation merveilleuse et complexe qui lui sert de base et recherchons quelle a pu être l'intention du Logos, lorsqu'il exécuta cette grande œuvre. Puis, avant de conclure, nous aborderons la plus hauteconception de notre thèse et nous tâcherons de comprendre, autant que le permet l'intelligence humaine dans ses limitations actuelles, le but spirituel du prodigieux système auquel nous appartenons. Nous chercherons l'Idée divine qui le soutient, et dont il est la manifestation visible, par la diversité infinie de sa vie animée, et la prodigieuse complexité de ses chaînes d'évolution correspondantes.

      Nous parvenons quelquefois à comprendre, dans une certaine mesure, quelque œuvre magistrale de la Nature en son plan général, lors même que les puissantes ressources qui l'ont exécutée échappent à nos plus patientes observations. Rappelons-nous que le théosophe n'admet pas l'existence, dans le Cosmos, de forces aveugles dont le conflit accidentel pourrait provoquer la naissance de mondes et de systèmes nouveaux.

      Tout ce qui est susceptible de se produire sur les niveaux où un système solaire prend naissance est toujours l'expression positive de la Volonté d'un Etre possédant des attributs assez élevés pour rendre sa volonté objective – et pour devenir la manifestation de ce qu'il a préalablement créé par la pensée. Nous employons le terme de Logos du système, qui pour nous représente l'idée de la Divinité, dans nos allusions respectueuses à l'Etre qui, par sa Volonté, engendre notre système et le pénètre de sa Vie.

      Nous allons plus loin encore. Nous Le considérons comme émanant, par un mystère insondable, de la Suprême et Infinie Conscience, créant le système par un acte de dévouement sublime. Dans son Essence réside la potentialité d'une multiplication presque infinie de Sa propre individualité. S'Il n'accomplissait pas Lui-même l'effort nécessaire, ces innombrables possibilités dormiraient éternellement au sein de la Conscience suprême. En s'incorporant Lui-même dans le système qu'il crée, Il accomplit le premier grand acte de ce que l'on appelle quelquefois Sacrifice. Son Sacrifice – consistant à se soumettre aux limitations pendant la durée du système – n'est pas fait, comme celui de quelques êtres moins augustes, au profit d'un autre ou de plusieurs autres êtres, mais pour ceux qui n'existent pas encore. Il fait don de Sa Vie aux êtres qui sont toute encore à naître – ceux qui sans Son dévouement ne possèderaient jamais la conscience individuelle, et Il le fait aussi pour que la totalité de la Conscience divine puisse s'enrichir d'innombrables centres de conscience intelligents.

      C'est par amour pour nous, que ce grand acte s'est accompli ; pour nous et pour d'autres êtres qui, comme nous, ou d'une manière différente, poursuivent leur évolution à travers les diverses régions spirituelles de la Nature. Nous tendons tous vers cette région, d'où descendit à l'origine la grande impulsion qui précipita, dans le Cosmos de la vie objective, chacun des globes visibles ou encore invisibles de notre chaîne planétaire.

      Le premier grand souffle d'énergie du Logos, celui qui donna l'existence à notre système, se manifeste par une loi régissant tous les mondes qui nous sont connus – loi qui prescrit qu'à tous les stades d'existence la vie et l'énergie soient cédées au bénéfice d'une conscience autre que celle du dispensateur, quoique finalement identifiées à cette même loi qui est l'essence de tout le système. Cette loi de dévouement n'implique pas un sacrifice absolu et définitif ; mais elle peut seule effectuer le progrès de l'évolution dans la Nature.

      Ce don de soi nous apparaît sous son aspect le plus sublime par la manifestation même du système ; dans quelques-uns de ses plus humbles effets, c'est, sur le plan physique, une loi d'amour et de bienfaisance. Dans les degrés intermédiaires, cette loi est consciemment appliquée par ceux qui, du haut des régions supérieures, travaillent à l'évolution et au bien de l'humanité.

      Mieux nous connaissons le véritable occultisme et la manière intelligente dont s'exerce le pouvoir sur les plans supérieurs, plus nous sommes en mesure d'apprécier ce grand principe, qui inspire également, à différents degrés il est vrai, le dévouement incessant de l'Adepte et la charité désintéressée de certains êtres vertueux, hommes et femmes, obéissant plus ou moins inconsciemment aux impulsions de la nature spirituelle qui s'éveille en eux. Nous ne pouvons encore, ou point où nous en sommes, distinguer parfaitement le but final ; mais remettons-nous en avec certitude à cette assertion, que tous ceux qui, dans un élan de sympathie généreuse pour leurs frères, se dévouent à ce grand principe, concourent ainsi au perfectionnement de notre système. Et, s'ils persévèrent, le temps viendra où ils aideront à cette œuvre, guidés par une connaissance, une appréciation plus claires de son but. Ils répondront alors à la Sympathie divine, dont leur propre conscience, comme êtres vivants et individualisés, est un des innombrables fruits.

      Quelques-uns d'entre eux, nous n'en savons pas le nombre (et il faut nous résigner à attendre encore des informations plus précises sur ce point), par l'identification complète de leur force vitale avec l'énergie du souffle qui pénètre tout le système, s'élèveront de stade en stade dans l'exaltation spirituelle, à travers les diverses chaînes d'évolution qui composent le système. Enfin, à l'heure du couronnement final, ils auront atteint l'Etre divin par lequel et au travers duquel tout le système s'est développé.

      Cet Etre déversa, à l'origine, Son énergie dans d'innombrables limitations. A la fin de Son œuvre, cette force Lui reviendra par de nouveaux canaux d'énergie spirituelle, c'est-à-dire par les nouveaux Logoï constituant Sa propre réflexion sur les nombreux plans de la Nature où Son influence fut projetée. L'univers est incommensurable ; de sublimes activités analogues à la Sienne les attendent sans doute à leur tour. Mais lorsque le temps d'épreuves sera passé, lorsque la grande nuit du Pralaya sonnera l'heure du repos pour toutes les formes de conscience, les plus élémentaires comme les plus élevées, d'innombrables individualités n'auront pu réaliser toutes les possibilités d'évolution que leur offrait le système.

      Comment se retireront-elles alors dans sa Conscience presque infinie ? Nous ne pouvons encore l'entrevoir. Nous ne pouvons même pas concevoir parfaitement les dernières phases de l'histoire de notre système, en ce qui concerne l'absorption des énergies vitales, de ces énergies si singulièrement diversifiées qui existeront évidemment, sur le plan de la manifestation, aussi longtemps que quelques planètes continueront à graviter autour du soleil, autour de ce centre de toute énergie vitale.

      Mais on nous dit, et la connaissance déjà acquise des conditions spirituelles qu'on peut atteindre actuellement nous permet de le comprendre en partie, que l'individualité que nous appelons le Logos fut, de tous temps, une multitude d'individualités réunies en une seule, et qu'il représentera encore cette multitude accrue dans une proportion qu'on ne saurait approfondir, lorsque les fruits de l'œuvre auront été recueillis et que le but du grand Mahamanvantara sera accompli.


FIN




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